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Construction nationale et intégration multilingue en Europe. Deux études de cas : Finlande et Serbie (2008)

en co-rédaction avec Ksenija Djordjević, Paris, L’Harmattan

Ce livre est un essai de sociolinguistique qui aborde des questions aussi diverses que la dialectologie appliquée à l’individuation et à la standardisation des langues, l’interprétation des données quantitatives relevant des domaines d’usage et de la covariation , la notion de conflit sociolinguistique et ses sources catalanes, la glottopolitique en tant que composante de la géostratégie notamment des frontières et des dynamiques transfrontalières, les mythes et mythologies identitaires au service des revendications linguistiques, et surtout, une notion des plus controversées et des plus en vogue : l’intégration. Ces questions seront abordées à travers deux études de cas périphériques – respectivement au nord-ouest (Finlande) et au sud-est (Serbie) de l’Europe –, illustrant de quelle manière et dans quelle mesure des politiques linguistiques aménageantes pluralistes ou assimilatrices peuvent favoriser un début de retournement de la diglossie , ou au contraire, l’assimilation. La sociolinguistique intégrative n’érige pas en modèle l’assimilation, bien au contraire. Elle constate que la dominance de ce régime d’intégration parmi d’autres qu’est l’assimilation est plus souvent une illusion ou le résultat d’un compromis historique provisoire qu’un état de fait durable ou bénéfique. Du point de vue de l’écologie glottopolitique, un Etat-nation, ou un empire assimilationniste, peut même être structurellement affaibli par son homogénéité, ou par l’illusion de son unité. La sociolinguistique intégrative trouvera dans cet essai un premier domaine d’application dans l’espace et dans le temps, à travers l’évolution sociolinguistique de la Finlande au cours du dernier millénaire, qui fait alterner des régimes de séparation et de pluralisme, pour aboutir désormais à un bilinguisme de statut équilibré. Cet exemple montre, dans la longue durée, l’émergence de communautés bilingues intégrées dans une aire géographique et historique où ont longtemps prévalu des facteurs hégémoniques impériaux au-dessus des structures nationales non pas pour le pire, mais pour le meilleur. Cependant, l’évolution du plurilinguisme dans un pays comme la Finlande est surtout exemplaire à titre de renversement d’une asymétrie : les fennophones majoritaires, dont la langue était longtemps restée marginale face au suédois et à d’autres langues véhiculaires européennes, comme l’allemand ou même le latin, finirent par construire un Etat-nation dont la langue principale était le finnois, au détriment du suédois, devenu minoritaire et en voie d’assimilation, en dépit d’une politique volontaire de préservation du bilinguisme. En revanche, les langues minoritaires de Voïvodine (Serbie), notre deuxième étude de cas, représenteront une situation relativement équilibrée de séparation et de pluralisme intégrés, où l’assimilation semble jouer un rôle moins déterminant. Cependant, même si nous prenons le parti d’envisager l’intégration autrement que comme un processus dont la finalité serait l’assimilation à terme, pour lui préférer un concept alternatif autrement plus difficile à cerner, qui est le pluralisme, notre examen détaillé de ces deux cas d’intégration aux périphéries septentrionales et méridionales de l’Europe nous montrera que l’assimilation est un processus extrêmement prégnant. Dans le cas de la Finlande, c’est l’ancienne minorité dont la langue – le suédois – fut longtemps dominante, qui est désormais en voie d’assimilation malgré ses atouts de véhicularité régionale et de pont linguistique vers les autres langues germaniques. Dans le cas du plurilinguisme aménagé en Voïvodine, les minorités ont encore matière à redire au fonctionnement des cadres institutionnels du multilinguisme, malgré une politique volontariste de maintien de l’autonomie régionale, et les atouts que présentent des langues comme le hongrois, le roumain et le slovaque, dans le cadre de l’intégration transfrontalière d’un pays situé au carrefour entre l’Europe centrale et les Balkans. Nous verrons que la pression assimilatrice, dans le cas des minorités de Voïvodine, tient notamment à deux facteurs, dans les domaines de l’éducation en langue minoritaire et de la communication médiatique, qui retiendront notre attention : d’une part, le poids déterminant de l’immersion dans un contexte majoritaire, qui détermine, surtout dans les villes, des pratiques langagières en langue majoritaire ; d’autre part, l’aspect qualitatif de l’offre d’information dans les médias, et les enjeux d’un véritable pluralisme, fondé moins sur la spécialisation et la segmentation des contenus informatifs, que sur une réelle originalité et une certaine universalité. Nous ne chercherons donc pas à imposer un modèle d’intégration envers et contre tous les autres. Nous tenterons plutôt de démêler l’écheveau des régimes (assimilation, pluralisme, séparation, ségrégation) et des facteurs (structurel, fonctionnel, attitudinal) d’intégration.