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« La Mésoamérique : une ‘aire linguistique’ ? » (2010)

Colloque interdisciplinaire de l’Institut Universitaire de France, Actes du colloque de Saint-Etienne, 25-26 mars 2010, édités par Donnet Ch., Mathevon N. & Viennot, E. 2010 Le contact, pp. 215-232

A la différence de la linguistique génétique, qui établit les parentés et la classification des langues, la linguistique aréale s’intéresse aux convergences et aux affinités entre langues génétiquement différentes mais typologiquement semblables, en contact dans une aire culturelle. La Mésoamérique est considérée en termes de linguistique aréale comme l’une de ces unions de langues les plus solides, encore plus probante que le célèbre « Sprachbund balkanique ». Cette convergence aréale massive de plus d’une centaine de langues réparties entre une dizaine de groupes linguistiques (totonac, uto-aztecan, otomangue, maya, mixe-zoque…) et d’isolats (huave, tequistlatec, purepecha) génétiquement différents serait due au contact interculturel sur une longue durée. La périodisation de cette région, très différente de la stratification européenne, y est de type paléo-indien 20 000-7 000 av. J.C, archaïque (-7000 à -4000), formatif (culture du maïs et apparition de la céramique -4000 à -1600) et pré-classique (-1600 à + 400). La transition du paléolithique s’est effectuée à partir d’un néolithique local (culture du Golfe), non intrusif à la différence de l’Europe, qui va bientôt devenir un foyer rayonnant sur toute la Mésoamérique lors du préclassique, dominé par la culture Olmèque, caractérisée par une première période d’unification culturelle et de superposition d’une élite dominante, d’origine mixe-zoque. Ensuite, le classique (500 à 900 après J.C.) et le postclassique (900 à 1520 après J.C.) impriment deux grandes tendances : 1) au classique, la montée en puissance de trois foyers culturels (vallée de Mexico, vallée de Oaxaca, basses terres mayas) correspondant à trois ensembles linguistiques : nahua ( ?), zapoteco, maya cholan et yucatécan ; 2) au post-classique, l’empire aztèque et la superposition d’une élite dominante nahuatl dans toute la Mésoamérique, l’intrusion et la superposition de cultures périphériques comme la composante mixtèque en Oaxaca, qui vient supplanter le pouvoir zapotèque.

On montrera en quoi la Mésoamérique est ou n’est pas une aire de contact de langues dans la longue durée, en tentant de démêler les processus et les phases de cette aire linguistique à partir d’indices tirés d’un champ exploratoire périphérique (la diffusion lexicale des adstrats), sur la base d’une étude de cas (les adstrats en domaine maya). On insistera, au-delà des processus macroscopiques de contact en termes de superposition, rayonnement, implantation et importation, ou en termes de cercles concentriques, sur la connexité et les relais du contact selon un modèle de chaînes ou de nexi. Une approche en termes de chorèmes, de trame et de capilarité plutôt qu’en termes de stratification du contact permettra de mettre le Sprachbund mésoaméricain en perspective, et d’en mieux décrire, en expliquer la structure, mais aussi, d’en discuter, voire d’en falsifier les prémisses.