« Variation dialectale et graphie normalisée de langues otomangues : le cas du mazatec et du chinantec » (2012)
séminaire SYLED Paris 3 et CNRS-LAMOP Pratiques langagières : oral et écrit d’hier et d’aujourd’hui, 5 décembre 2012.
Lorsqu’une langue « à tradition orale » passe au stade graphique, l’ensemble de sa structure passe par un filtrage catégoriel, sur le plan de la Gestalt, qui en altère ses unités fonctionnelles, depuis la phonologie jusqu’au lexique, en passant par la morphologie.
• La graphie rend la langue à la fois méconnaissable, pour qui n’est pas habitué à la lire, et reconnaissable entre toutes, lorsque son système graphémique est régulier et élégant – comme c’est le cas de la graphie mazatèque normalisée. Pour qui comprend et accepte les termes d’une normativisation (ici, une codification) simple et ergonomique, la langue devient d’autant plus identifiable et reconnaissable.
• Elle a cependant mué, ou modifié la totalisation de sa Gestalt, à travers le passage à l’écrit : la praxis de l’écriture de la langue littéralisée exige une distanciation de la langue par rapport à la parole, qu’on peut qualifier de transition diamésique.
• Dans le domaine éducatif, ce processus de transition diamésique pose cependant problème, car les structures et les doctrines de planification des tâches et des objectifs de l’éducation nationale au Mexique ne laissent guère de place à l’expérimentation et à la tolérance envers les ajustements psycho-sociaux sur le terrain, notamment dans les écoles primaires, où le mazatec ne servait jusqu’à ces dernières années qu’à des fins d’alphabétisation sommaire, pour ne plus apprendre à écrire qu’en espagnol une fois les rudiments d’écriture acquis par les enfants (doctrine de l’incorporation, autrement dit de l’assimilation ou acculturation progressive).